#Staying the Course
The Banksy Rescue Captain

Pia Klemp et l’équipage du M.V.Louise Michelle

Elle mesure 30 mètres de long et peut atteindre plus de 28 nœuds. Elle est agile, porte du rose et du blanc, pratique la hiérarchie plate et est végétalienne. Elle arbore un drapeau allemand et a un tatouage : une fille dans un gilet de sauvetage tenant une bouée de sécurité en forme de cœur. Le M.V. Louise Michel. Plus petit mais considérablement plus rapide que les autres navires de sauvetage des ONG. Son équipage est composé de militants européens ayant une longue expérience des opérations de recherche et de sauvetage. Il est commandé par Pia Klemp, militante allemande des droits de l’homme, qui a également commandé d’autres navires de sauvetage de ce type.

La première fois que j’ai entendu le nom de Pia Klemp, c’était en été 2017, lorsque son navire, le Iuventa, a été mis en fourrière et que le gouvernement a pris des mesures pour lui interdire de naviguer autour des côtes italiennes. Néanmoins, elle a gardé la volonté de continuer à sauver des vies. Début novembre 2017, elle était responsable des quatre premières missions de sauvetage de Sea-Watch 3 près des côtes libyennes, après que le navire ait été repris par l’organisation allemande Sea-Watch.

Je n’arrêtais pas d’entendre son nom et son histoire, puisque j’étais moi-même, sur un autre front, en train de travailler avec des réfugiés. Pia Klemp et moi avons le même âge, et en regardant sa biographie, j’ai en quelque sorte le sentiment que j’aurais dû faire, à cet âge, plus que ce que j’ai fait. En plus de son activisme en biologie marine, de tout le travail qu’elle a accompli pour protéger les animaux marins et notre environnement, j’ai été impressionnée par sa décision de commencer à sauver des vies en Méditerranée.

C’est pourquoi je n’ai pas été surprise après avoir lu la nouvelle de l’appel de Banksy et de l’invitation à commander le navire de l’ONG Louise Michel, qui est parti pour sa première mission fin août 2020.  « Je ne vois pas le sauvetage en mer comme une action humanitaire, mais comme une partie d’un combat antifasciste », a-t-elle déclaré dans un rapport du Guardian.

Selon le Guardian, Pia Klemp a d’abord pensé que l’offre de Banksy était une blague. « J’ai lu votre histoire dans les journaux. Vous avez l’air d’un dur à cuire », a-t-il écrit dans un courriel. « Je suis un artiste britannique et j’ai réalisé des œuvres sur la crise des migrants. Je ne peux évidemment pas garder l’argent. Pourriez-vous l’utiliser pour acheter un nouveau bateau ou autre chose ? » C’est un nouveau départ pour le M.V. Louise Michel. Un navire rebaptisé du nom de l’anarchiste féministe française du 19ème siècle.

L’équipage du « Louise Michel » revendique son projet comme antifasciste et féministe. Elles ont toutes des origines diverses, mais s’identifient comme des activistes antiracistes et antifascistes qui prônent un changement politique radical. Tous sont des militants européens ayant une longue expérience des opérations de recherche et de sauvetage et ayant déjà participé à d’autres missions en Méditerranée. Ils ont quitté leur zone de confort et ont décidé de risquer leur vie pour sauver d’autres personnes. Un équipage qui s’est mis en quatre, comme des girafes.

Après avoir pris contact avec eux. Il était clair qu’ils ne cherchaient pas de reconnaissance. « Merci beaucoup pour cette aimable nomination », a écrit Leona, une femme membre de l’équipage. Néanmoins, nous ne voulons vraiment pas nous considérer comme des héros ou quoi que ce soit d’autre. Nous pensons vraiment qu’il n’est pas nécessaire de braquer une nouvelle fois les projecteurs sur les Blancs. Nous voulons plutôt être solidaires des personnes en mouvement et ne pas parler en leur nom ». Quelle démonstration de modestie, d’altruisme et d’humanitarisme !

(…)Merci pour votre déclaration claire que j’apprécie et que je comprends, ai-je répondu. Je suis un Noir qui vit dans un monde de Blancs. Je suis aussi un homme noir qui a travaillé avec des réfugiés dans une école allemande blanche. Je comprends donc parfaitement que vous ne vouliez pas vous considérer comme des héros. Si j’ai nommé Pia Klemp et l’équipe comme Héros Girafe, une Girafe comme la Fondation appelle les personnalités distinguées, et non comme Héros, ce n’était pas pour mettre en lumière les personnes blanches. C’est en raison de l’incroyable travail que vous faites en tant qu’équipage, de l’immense solidarité dont vous avez fait preuve, que j’ai pensé à nommer non seulement Pia Klemp mais aussi tout l’équipage comme Girafes – comme source d’inspiration pour que les gens agissent, se lèvent et se donnent la main, pour le bien commun, plutôt que pour la suprématie blanche.

En nommant l’équipage en tant que Girafe, je souhaite simplement que la Fondation Giraffe Heroes et moi-même jouions un rôle actif dans la lutte contre les situations qui violent les droits fondamentaux, comme le racisme, et que nous rejoignions les mouvements pour le respect global, comme les actions pour la justice climatique. Pourquoi ? Parce que vous naviguez en Méditerranée pour sauver les migrants qui se jettent à l’eau en quête d’un avenir meilleur. Parce que dans le navire, vous répondez aux appels de détresse de tous ceux qui se retrouvent à la dérive. Et ce genre de travail, ce genre d’histoires, il faut les raconter et en parler.

 » Défendre le droit maritime et secourir toute personne en détresse sans préjugé. À bord du Louise Michel, nous croyons que nous sommes tous des individus, la nationalité ne devrait pas faire de différence dans les droits que nous avons et la façon dont nous nous traitons les uns les autres », peut-on lire dans l’énoncé de mission du navire et de son équipage. Et croyez-moi, c’est le genre de mission que nous voulons soutenir à la fondation. (…)

Avec mes meilleures salutations et mon admiration à vous tous (…)

290 personnes sont mortes l’année dernière en mer Méditerranée, selon le projet « Migrants disparus » de l’OIM. Plus de 20 000 ont atteint les pays européens. Beaucoup d’entre eux étaient à bord du M. V. Louise Michel. Le navire est actuellement dans l’incapacité de quitter le port. Son enregistrement a été annulé en 2020 dans le cadre des restrictions croissantes imposées aux navires de sauvetage civils par les gouvernements européens. Mais l’équipage travaille toujours sur une solution pour pouvoir recommencer à sauver des vies le plus rapidement possible.

Yampier Aguiar Durañona. Hambourg, 2021

(photo : Bored Panda)